Lorsque le soleil est à son zénith, le parc est un endroit d’un vert éclatant où les petites filles sont sur les balançoires, où les garçons jouent au foot, où les plus petits s’amusent dans les bacs à sable et où les mères restent non loin à les surveiller. Les oiseaux chantent le beau temps et volent entre les différentes branches des arbres qui règnent sur cet espace remplis de fraicheur et de douceur. Les jeunes adolescents en roller ou en skate se font une joie de faire des figures encore non maitrisées. Certains couples déposent un panier de pic-nic dans l’herbe et passent une après midi entière blottis dans les bras l’un de l’autre à se faire réchauffer par les rayons du soleil. Paroles, rires et pleures de joies résonnent à longueur de journée. La joie, la bonne humeur, l’amitié et même l’amour sont des sentiments qui demeurent.

Seulement quand le soleil est couché et que la lune trône dans le ciel, c’est une toute autre affaire. Les jeunes pré-pubères de cette époque se retrouvent dans le parc, cherchant un coin isolé et sombre. Ils allument une bougie et commencent une virée en enfer pour se sentir plus adulte. Ils fument des joins, sniffent de la cocaïne et se piquent à d’autres substances qui entrent dans le veine, réchauffant leurs corps et brouillant leurs esprits. Leurs têtes tournent, leurs membres tremblent, leurs visions se troublent. Ils hallucinent se croyant eux même le pire danger qu’il existe pour les autres. En faite, le vrai danger se trouve juste à côté d’eux.

Non loin de cette réunion d’adolescents déprimés et perdus dans leurs vies qui ne fait pourtant que commencer, se trouve une jeune femme assise sur un banc. Eclairé par la lumière du lampadaire qui siège au dessus d’elle, elle lit. Son livre était déposé sur ses jambes préalablement croisées où les pages jaunis par la vieillesse commencent lentement à se détacher de la rainure. Malgré le jean qu’elle portait, et qu’elle avait prit bien soins de rentrer dans ses bottes noires, elle réussissait à ressentir le froid du banc en métal sur ses cuisses. Soulevant la manche de son pull noir qui faisait ressortir le bleu de ses yeux, elle fixait un moment l’aiguille qui indiquait que son compagnon ne devrait plus tarder à arriver. Elle glissait sa main dans sa chevelure blonde doré et remit quelques mèches derrière son oreille avant de replonger dans son roman.

Megara Midnight souleva pour la énième fois la manche de son pull pour y regarder sa montre. Elle fixait pendant un bon moment l’aguille des secondes faire plusieurs tours complets. Son compagnon n’était toujours pas arrivé malgré l’heure qui était prévu. Les nerfs commençant à chauffer, la morte vivante tentait de se canaliser afin de paraitre calme et sereine. Déjà que les propos qu’elle voulait tenir en face de l’homme qui partage sa vie, ou plutôt sa mort, lui titillait les nerfs, son retard ne faisait que plus l’exaspérer. Tournant les pages de son manuscrit avec le plus de douceur possible, elle se mit à lire les quelques premières lignes de la page 126.

Plongée dans son roman avec une extrême attention pour ne pas hurler de colère, elle ne fit pas attention à l’homme qui vint se poster juste derrière le banc. Des mains se déposèrent devant ses yeux, troublant ainsi sa lecture. « Qui c'est ? Si tu gagnes tu as droit à un cadeau géant. » Lui dit son compagnon dont elle avait immédiatement reconnu les mains fermes et la voix particulièrement calme. N’étant pas du tout d’une humeur joueuse, un soupir discret sortit de sa bouche et ses mains se levèrent pour se poser doucement sur les siennes dans le but de les enlever.

Megara se retenait pour ne pas lui cracher au visage de plutôt offrir ce géant cadeau si magnifique à l'une de ses maitresses. Elle reprit une photo de son couple, déposé sous sa cuisse, qui servait de marque page, et la déposa dedans avant de refermer son livre. « Tu es en retard de plus d’une heure », finissait-elle par lâcher, d’un ton tellement déçue. Déposant son livre fermé à côté d’elle, elle tournait la tête vers l’être aimé, son regard planté dans le sien, attendant une explication. Même si elle savait désespérément qu’il n’y en avait aucune qui pourrait la réconforter et l’excuser de ce retard. La vampire cherchait juste à savoir qu’est ce qu’il pourrait encore inventé pour se justifier.

Le jeune homme, en apparence, tendit à Megara un bouquet de roses noirs, ses fleurs préférées. Elle regardait le bouquet sans vraiment aucunes expressions sur le visage, ni même aucuns pensées. Il vint lui déposer un léger baiser sur les lèvres mais en les sentant, la tête de la demoiselle se tournait très rapidement sur le côté. S’il n’avait pas reculé, sa main serait partie toute seule. Une chance pour lui. Son compagnons la regardait droit dans les yeux, c’était un regard doux et tendre, seulement la jeune femme ne lui faisait pas percevoir le même sentiment. C’était un regard froid, distant et remplis de rancune. Elle avait bien remarqué le costume qu’il portait, ne comprenant pas cependant pourquoi une telle tenue. Elle était tout de même contente de le voir, au moins, il ne lui avait pas fait un faux plan. La main de Dorian se glissait dans les cheveux de la demoiselle qui ne pouvait s’empêcher de fermer les yeux, appréciant ce geste avec un petit sourire en coin. Néanmoins, elle levait son bras pour retirer sa main. Mais celui-ci s’entêtait à continuer et lui dit tendrement : « Des paroles de douceur, Des moments de bonheur. Des regards échangés, Un zeste de complicité. Des étoiles dans les yeux, La joie d'être deux. Main dans la main, Suivre le même chemin. Des rêves plein le cœur, Que du plaisir, aucune rancœur. Aimer et oublier Les blessures du passé. Juste la magie de l'amour, Une belle vie pour toujours. » Elle n’en revenait pas que ce soit de telles paroles qui sortait de la bouche perfide de son compagnon. Certes, c’était ce qu’elle aurait aimé entendre depuis leur relation, mais se rappelant les actes qu’il avait commis et qu’elle voulait justement lui dire cette nuit, elle ne pouvait croire à ces mots. La manipulait-elle encore une fois ? De toute manière, cela en était de trop. La vampire en avait assez de passer pour une fille naïve. Dorian essayait de percevoir une once d’espoir dans les yeux de Megara mais celle ci resta de marbre, froide, ne voulant montrer aucuns sentiments de faiblesse. Elle voulait passer pour une femme forte malgré que toute cette histoire la fasse énormément souffrir. Laissant sa bouche fermé, ses yeux le fixèrent. Alors que le jeune homme se tournait dos à elle pour faire on ne sait quoi, elle se levait le bouquet de roses noires dans les mains et se postait derrière lui. Glissant lentement une main sur son torse en collant son buste à son dos, elle lui mit froidement les fleurs dans les bras. « Offre ces roses et ces paroles à ta tendre Drusilla.. », lui murmurait-elle le plus sèchement possible au creux de l’oreille avant de s’éloigner de lui. Megara est très rancunière. Si vraiment il pensait que de belles paroles et quelques fleurs suffiraient pour effacer toutes les fautes commises, il se trompait lourdement. Séparant son corps du sien, elle contournait le banc et prit son livre dans ses mains, l’empoussiérant délicatement pour ne pas l’abimer.

Megara ouvrit une nouvelle fois son livre pour entamer de nouveau son histoire, oubliant ce qui l’entoure. Seulement, son compagnon n’était pas du même avis qu’elle. Il revint vers elle et passait une nouvelle fois sa main dans ses cheveux. N’étant plus d’humeur câline, elle repoussait encore sa main avant de remettre ses cheveux en place. Son regard était froid et les belles paroles qui lui sortaient ne suffisaient pas à la réchauffer. « Cela fait 45 ans qu’on est ensemble et depuis le début, tu vas te satisfaire ailleurs… », Lui lâchait-elle. Il en était assez. La vampire ne voulait plus d’un homme infidèle. Vu qu’ils étaient condamnés à ne plus jamais mourir, ce petit jeu qu’il faisait avec les femmes pouvait bien durer toute l’éternité. Cependant, Megara en avait assez. « Tu ne sais pas te tenir face aux autres femmes, moi je ne tiens plus non plus avec toi. » Elle le fixait droit dans les yeux, le regard noir et destructeur. Il avait intérêt à ne plus tenter de geste affectif envers la jeune femme, au risque de recevoir le banc dans le visage. Dorian commençait à partir. N’ayant pas dis son dernier mot, la vampire se levait et marchait vers lui, qui ne s’arrêtait pourtant pas. « C’est terminé… » Murmurait-elle. Ces mots lui avaient déchirés la gorge mais pourtant, c’était la meilleure solution. Tout en finir pour ne plus souffrir. Elle savait pertinemment que c’était un homme à femme et que ce n’était pas pour ces beaux yeux qu’il arrêterait en si bon chemin. De ce faite, Megara le regardait partir sans dire mot, ni même le rattraper. Elle avait supporté ses infidélités pendant longtemps, trop longtemps même. 45 ans de sa vie basée sur le mensonge. Finit d’être prise pour une conne. S’il l’aimait vraiment, il n’aurait pas fait tout ceci. Il est maintenant trop tard pour se faire pardonner. Il est désormais trop tard pour aimer. Si besoins, elle refoulerait ses sentiments pour lui, reniant leurs histoires passionnelles. La vampire retournait vers son banc et prit le manuscrit disposé sur les planches. Le tenant d’une main ferme, elle partit à sa demeure sous la lumière de la lune.